Dans un coin sombre de la grande Cathédrale St-Wolodymir, le pope Razine vaquait à son occupation principale : le soulagement des consciences. Les brebis du Patriarche défilaient auprès de lui, lui demandant sa bénédiction, son conseil, le pardon de Dieu, et bien d'autres choses encore.
- Le Khrist est miséricordieux. Tes péchés te sont pardonnés, mon fils. Va en paix.
Doubovik le Vieillard, le Patriarche en exercice, n'avait plus célébré d'office depuis plusieurs semaines. Cet homme si minuscule, dont la longue barbe blanche se noircissait à nouveau à force de traîner dans la boue, passait pour être plusieurs fois centenaire et avoir personnellement vécu la prise de Conspantinotle par les Turcoses, en 1453.
Mais personne ne le savait vraiment. De toute façon, aucun homme à Murasibirsk n'était assez âgé pour se rappeler l'avoir cotôyé jeune.
- Ne doute pas de la bonté du Khrist, ma fille. S'Il a rappelé tes cinq enfants auprès de Lui, c'est qu'ils étaient très saints et dignes de Lui. Les affreuses souffrances de la peste auront lavé la faute originelle de leur petit corps. Va en paix.
Dieu avait été très bon avec Doubovik, mais personne n'a la vie éternelle. Le Patriarche était sur le déclin, et n'avait même pas pu visiter Ivan V, qui souffrait également.
Soudain, la file des pécheurs disparut. Razine était seul maintenant dans la vaste église dédiée à Saint Wolodymir, qui avait, dit-on, réussit à convertir un lion à la Vraie Foi dans l'arène, avant de lui demander de le dévorer, comme l'exigeait le cruel Moditien, empereur morain.
Un autre pope, soulevant sa robe en courant, lui apparut.
- Frère Blagoïar ! Malheur sur nous et la Russlavie toute entière !
- Que s'est-il passé, par la barbe de St-Wolodymir?!
- Le Tsar est mort, Ivan V est mort !
- Mort avant le Patriarche ? Quel manque d'éducation !
Allons au kremlin, avant que tout ne soit volé !